L’association française des cueilleurs alerte sur l’exploitation de l’arnica

L’Association Française des professionnels de la Cueillette sauvage (AFC) s’est donnée pour mission la reconnaissance du métier de cueilleur de plantes sauvages ainsi que la construction et la diffusion de bonnes pratiques de cueillettes. Depuis plusieurs années, elle s’inquiète des pressions exercées sur la ressource sauvage d’Arnica Montana en France. Elle souhaite alerter les différents acteurs engagés dans la valorisation commerciale de l’Arnica et leur faire prendre conscience de l’urgence des actions à mener pour sa préservation.

Dans un contexte de fort développement de la phytothérapie, qui n’a pas entendu parler de l’Arnica et de ses bienfaits ? A contrario, trop peu sont les utilisateurs.trices, entreprises et grand public confondus, à connaitre les risques qu’encourt cette plante en tant que ressource, les menaces qui pèsent sur son milieu, et les dérives liées à sa cueillette.

L’Arnica compte parmi les plantes majeures de la pharmacopée traditionnelle familiale de montagne. Macérée dans de l’alcool ou dans de l’huile, elle était majoritairement utilisée contre les hématomes ou les entorses. Aujourd’hui, la demande des laboratoires porte essentiellement sur le capitule, intégré à des préparations cosmétiques, ou sur la plante entière fleurie (hampe florale, rosette basale, bout de rhizome) pour la confection de teintures-mères homéopathiques, et plus rarement sur la partie aérienne fleurie (hampe florale, rosette basale).

Depuis la fin du XXe siècle, la demande en Arnica n’a cessée d’augmenter. Il est difficile d’évaluer les quantités utilisées par le secteur industriel, peu nombreuses étant les entreprises utilisatrices ou les coopératives de cueilleurs.ses acceptant de briser ce tabou qu’est la communication des volumes prélevés en sauvage. On estimait toutefois au début des années 2000 à 250 tonnes la quantité de capitules frais prélevée en Europe, principalement en Espagne, dans la chaine des Balkans, notamment en Roumanie, et en France.

Si son prélèvement est autorisé dans la majorité des pays Européens, la plante n’en est pas moins inscrite sur plusieurs listes rouges nationales. « En France, c’est moins l’espèce que la ressource qui est unanimement reconnue comme en danger. Dans cette notion de ressource, le récoltant envisage la part de la population exploitable aujourd’hui et à l’avenir en termes de matériel végétal, de logistique et de commercialisation, le tout dans une perspective de rentabilité » note le Conservatoire Botanique National des Pyrénées et Midi-Pyrénées (CBNPMP) dans une fiche technique consacrée à l’espèce.

Le Markstein, station emblématique d’Arnica dans les Vosges, concentrait depuis une trentaine d’années 90% de la récolte sauvage française. Depuis les années 2000, un plan de gestion regroupant les communes propriétaires, exploitants agricoles, gestionnaires du parc, laboratoires utilisateurs et cueilleurs, permet une conduite concertée de l’exploitation d’Arnica. Cette initiative, saluée à juste titre comme novatrice, connaît aujourd’hui des limites. En effet, depuis 2018, l’Arnica est trop peu présente sur ce territoire pour permettre la tenue de cueillettes commerciales, comme a pu le constater Régis Buffière, qui cueille sur ce territoire depuis 1985. Multifactoriel (pression de cueillette élevée, modification des pratiques agricoles et forestières, changement climatique, …), ce phénomène est constaté sur l’ensemble du territoire Français, à différents degrés de gravité.

Cette raréfaction de la ressource est difficilement conciliable avec les besoins toujours élevés des utilisateurs finaux et des transformateurs. De ce fait, des tensions au sein de la profession apparaissent et nombreux sont les cueilleurs ressentant une atmosphère anxiogène autour de la récolte d’Arnica, dans un climat de concurrence. Pour la très grande majorité, trois conditions sont non négociables : suivre l’article 547 du code civil, qui stipule que le cueilleur doit avoir une autorisation écrite du propriétaire du terrain engageant la responsabilité des deux parties, prélever au maximum 50% de la ressource mature présente (taux nécessaire au renouvellement des populations, issu du Guide de Bonnes Pratiques de l’AFC), et se limiter à un seul passage tous les 4 ans afin de laisser un temps de repos suffisant. Néanmoins, des cas de pillages de sites sont recensés chaque année.

Comme des membres de l’AFC ont encore pu le constater en 2021 sur certains de leurs sites, ces pillages sont le fait de cueilleurs.ses indépendant.e.s sous-traitants ou de cueilleurs.ses saisonnier.e. employé.e.s par des entreprises collecteuses peu scrupuleuses. Ces employé.e.s sont envoyé.e.s sur des sites qu’ils ne connaissent pas, sans autorisation du propriétaire, et sont là pour « faire du volume ». Ils ne connaissent ni l’espèce qu’ils récoltent, ni son environnement, ils ne peuvent développer aucun lien « affectif » avec ceux-ci. De plus, leurs conditions de travail et de logement par les entreprises collecteuses sont dans la plupart des cas indécentes. « Socialement, leurs conditions sont révoltantes, il y a à la fois une violence environnementale et sociale sur cette cueillette », s’insurge Raphaële Garreta du CBNPMP. Dans un tel contexte, on les imagine difficilement concernés par une gestion raisonnée et pérenne de la ressource et du milieu.

Ces pillages, constatés à la fois par des cueilleurs, des gestionnaires forestiers, des propriétaires de sites de cueillette, et des agents des Conservatoire Botanique Nationaux, ont lieu en Aubrac, dans le Cantal, dans le Puy de Dôme, dans les Pyrénées … En somme, partout où la ressource Arnica est présente. Outre qu’ils biaisent les résultats des suivis scientifiques menés par le Conservatoire Botanique National des Pyrénées et Midi-Pyrénées en collaboration avec des cueilleurs de l’AFC, suivis visant justement à estimer l’impact des cueillettes sur la ressource en vue de la mise en place de plans de gestion, ces pillages ont une incidence majeure et préjudiciable sur la régénération et le maintien des populations visées.

Face à ce phénomène en recrudescence, les actions possibles sont pour le moment limitées. Les agents de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) ont un pouvoir restreint tant qu’ils ne peuvent pas s’appuyer sur une réglementation et sont trop peu présent sur le territoire, la gendarmerie prend parfois à la légère ces situations, et certaines communes, qui possèdent pourtant de nombreux sites de cueillette, se sentent peu concernées. C’est pourtant ces dernières qui peuvent agir sur ces phénomènes de pillage, en portant plus d’attention aux autorisations de cueillette qu’elles délivrent.
Au titre des initiatives favorisant la ressource, il peut être intéressant d’explorer des pistes permettant la réouverture de milieux en voies de fermeture, par des pratiques telles que l’écobuage (technique de défrichage par brûlis) ou le broyage. Ces techniques ont déjà fait leurs preuves sur d’anciens sites où la présence d’Arnica était avérée, et des expérimentations, menées par le Parc Naturel Régional des Pyrénées Catalanes, sont en cours.

Les demandes élevées des entreprises utilisatrices sont pour beaucoup dans ces tensions, et ceci doit évoluer. Celles-ci doivent connaitre les cueilleurs avec lesquels elles travaillent, favoriser des relations directes en passant le moins possible par des collecteurs, et avoir de meilleures connaissances de cette ressource qui les fait vivre. C’est déjà le cas au sein de certaines entreprises, comme en témoignent certains membres de l’AFC qui invitent parfois le personnel de celles-ci à les rejoindre sur le terrain. Au nom de la traçabilité et d’une meilleure gestion globale de la ressource, chacune devrait également accepter de communiquer les volumes d’Arnica montana d’origine France issus de cueillette sauvage qu’elle achète, afin de permettre à l’ensemble des acteurs d’avoir une vision précise des quantités prélevées sur le territoire métropolitain. Ceci doit également s’appliquer aux coopératives et cueilleurs indépendants, dans un souci d’équité.

L’AFC affirme l’urgence d’un besoin de régulation au niveau national, en passant au besoin par une réglementation. Le processus de réflexion y menant devra prendre en compte tous les acteurs de la filière, et mener à des plans de gestion sur le long terme. Si les services de l’Etat se saisissent depuis peu de cette problématique à des échelles territoriales, comme c’est le cas de la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) en Occitanie, une réflexion au niveau national doit émerger de toute urgence.

Afin d’éclaircir les mesures et décisions à prendre, l’AFC et le CBNPMP ont pour ambition de réunir les cueilleurs.ses, les entreprises et les techniciens de la conservation et de la gestion des espaces naturels lors d’une journée technique consacrée à l’Arnica le 2 mars 2022.

Le but de ce communiqué n’est pas de stigmatiser des acteurs particuliers de la filière, mais bien de faire prendre conscience à chacun du péril qui pèse sur l’Arnica, et amener à une réflexion commune autour de l’utilisation de cette plante.

Pour tout information supplémentaire concernant l’Arnica et plus généralement les bonnes pratiques de cueillette de plantes sauvages, vous pouvez consulter le site de l’AFC https://www.cueillettes-pro.org, ou nous contacter à asso.cueilleurs@gmail.com.

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